Plumes et poils
Revenu sur ma coursive après avoir jeté mes épluchures au compost, un rapace file droit sur moi, passe et file vers le port. J’ai le temps d’examiner la forme de ses ailes. Rentré, je vérifie. Oui, un faucon pèlerin, à n’en pas douter. Les épaules très solides, la pointe effilée, le vol battu puissant. J’éprouve un contentement certain, lui aussi. J’étais plus heureux encore la veille, quand, lisant Sôseki, arrivé à l’issue du chapitre où l’artiste et la dame écoutent un rossignol, il m’est venu que cet oiseau n’était en aucun cas un rossignol, mais bien l’uguisu japonais, Horornis diphone de la nomenclature, Bouscarle chanteuse si bien décrite par Philippe Manoury que je lui avais demandé l’autorisation de reprendre ses notes pour Mes langues ocelles (p. 107). Ma preuve : les personnages du Kusamakura de Sôseki notent le chant de l’uguisu, tenu en japonais pour « Hô Hokkekyô – Hô Hokkekyô » (Hô darma ; ke fleur ; kyo sutra). Ce chant renvoie au sutra du Lotus, celui que chante le pèlerin tout au long de la rivière, chez Sengai Gibon (1750-1837) par exemple, évoquant lui-même, selon les traducteurs décidément très mauvais philologues, le « rossignol ». Quand le chant d’un oiseau est transcrit par la tradition, le « paye-tes-dettes » de la caille par exemple en français, il s’agit souvent d’un énoncé titulaire d’une signification. C’est mal traduire que de ne pas en tenir compte. Bien ou mal traduire n’importe, quel plaisir que de vérifier que j’ai vu clair ici ou là ! Kô Korico !
Image : Ume ni uguisu, par Utagawa Hiroshige [1797-1858], 1833.
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