assezvu

Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. — Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l'affection et le bruit neufs !


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Aigles etc.

2000 - musique Gorgé livret Meens
18 février 2014, par Francis

Une heure en plein ciel. Une heure avec les rapaces européens, de l’Aigle royal au Crécerelle en passant par le Jean-le-blanc et le Milan royal.

Les textes de Meens extraits de l’Aigle abolie (P.O.L. 2005) évoquent chacun des oiseaux et son univers.

La musique électro-acoustique de Gorgé est une suite concertante aux harmonies lumineuses, on pense aux vitraux de Messiaen. Sa guitare ponctue le voyage aérien.




Grâce au lecteur ci-dessous, vous pouvez écouter l’intégrale d’Aigles etc.




1. Aquila chrysaetos - Aigle Royal

musique Gorgé livret Meens

ouvrir ouvrir et planer planer planer planer lever le doigt tirer soulevé trop baisser le doigt planer planer s’ouvrir d’un doigt lâcher le doigt repris repris laisser laisser laisser

laisser laisser laisser fixer l’œil bloquer l’épaule fermer tout serrer les poings fuser filer fondre ouvrir ouvrir ouvrir souffrir un peu frapper ouvert un peu respirer respirer les poings serrés serrés serrés

fermer fermer et brasser brasser brasser brasser crisper les doigts tirer soulevé trop peu laisser les doigts brasser et brasser s’ouvrir un peu reprendre lâcher repris laissé repris laissé repris glapir

changer changer changer fermer l’œil dénouer l’épaule ouvrir tout desserrer les poings ralentir résister s’emporter glapir glapir glapir et rire un peu frôler l’air un peu caressé caressé caressé




2. Aigle Botté

livret Meens

le père et la mère en tuent quelqu’un pour terminer le débat




3. Buse Pattue

musique Gorgé livret Meens

n’abuses-tu pas buse pattue ?




4. Elanion

musique Gorgé livret Meens

L’Espagnole
derrière moi l’Espagnole
l’Actriz Espagnole
Actuará cada frase que diré
l’Actriz
l’Actriz Es
pagnole
la pantomime
la pantomime es
pagnole
Ah le geste obscène encore une fois
le geste obscène de l’Actriz Es
pagnole à
Ah l’Espagnole à tous mes mots
Voyez-la voyez l’oiseau dans mon dos mimé
Voyez-le voyez la dans mon dos mimer l’élanion
Voyez-la voyez-le voyez l’élanion
Voyez-le voyez la dans mon dos mimer l’élanion
Voyez-la voyez l’oiseau dans mon dos mimé
Voyez-le voyez-la
Voyez-la voyez-le ce trou dans la na
ce trou dans la nat

ce trou dans la nat (blanc) ur




5. Milvus milvus - Milan Royal

musique Gorgé livret Meens

[k][k]’on en dise, c’est la [k] du milan royal [k] fait le milan royal. A [k] re[k]-vous le milan royal ? [k] [k] ! A sa [k] ! [k] est mobile, aussi mobile [k]’une main au bout de son poignet. Elle est échan[k] de sur[k] ; c’est une autre indi[k] [k] je vous donne. Si don[k] un jour vous aperceviez [k][k]’oiseau vagabond dont le vol hésiterait, [k] parmi les bos[k] d’un [k], errant, englué, nonchalant, si ralenti [k] on [k] un é[k] alangui, un enfant [k] jouerait sur le bord du trottoir, un [k] abruti de sommeil, un fêtard et sa [k], alors dites-vous : c’est un milan royal.

En voyez-vous les torsions ? Vérifiez.
Oui. Ne doutez plus, c’est un milan royal.

Voyez-vous ce gouvernail déployé sans cesse, tordu parfois, dirigeant les évolutions suspendues, retenues, relancées, du voilier ?
Répondez-vous sans hésitation, c’est un milan royal vous soufflè-je.

L’aisance de l’animal, tache d’huile brune et dorée sur le glacis des verts tonitruants du printemps, cette allure de feuille morte déguisée, de paperolle lâchée par mégarde sous la brise, ce relâchement bientôt dégoûtant, tout lui est dû, c’est elle, il faut la voir, elle vous attire la pupille, elle vous hypnotise.

C’est une main de montreur d’ombres, un éventail à fasciner l’amateur, à le [k].




6. Busard cendré

musique Gorgé livret Meens

André cendré
Barthélemy aptère
Freux-Jacques à bec jaune
Jacques-le-noir
Jean-le-blanc
Judas-le-vert de vessie
Matthieu à pattes bleues
Philippe à lippe grise
Pie-pierre
Simon le Zélote
Thaddée tacheté
Thomas-le-mauve

transperce la vipère
crève l’orvet
gobe l’œil du dragon
brise le rein de la couleuvre
écrase la tête du serpent
est dévoré
tue la bête
déchiquète le reptile
piétine la guivre venimeuse
rompt la nuque du crotale
saisit le monstre
écrabouille le maudit




7. Hobereau

musique Gorgé livret Meens

Nous sommes ici-même, ici-même aux prises avec le hobereau. Le hobereau nous fait ici-même difficulté. Nous voyez-vous ? Vous nous voyez, évidemment, aux prises ici-même avec les difficultés du hobereau. Qu’y pouvez-vous ? Vous n’y pouvez rien. Ce tyran ne nous lâchera pas tant la prise est sûre tiercelet bleu ! — Tiercelet bleu ! Mais nous le tenons !




8. Faucon du soir

musique Gorgé livret Meens

Vespéral en ses effets, cet art poétique offre à qui voit venir l’aube en toute confiance et ne craint pas de se nourrir abondamment quand vient la nuit la peur de l’aurore et l’inquiétude d’avoir à laisser filer le jour sans se gaver.




9. Circus pygargus

musique Gorgé livret Meens

Elle ne remue qu’à la fin
Ne prononcez l’e muet qu’à la fin
quand la phrase revient pour finir

Elle ne remue qu’à la fin disait l’un
caché dans ses rentes et l’autre derrière
le rock je crache ma purée

L’un et l’autre se sont muchés
pour dire les choses de l’amour les choses
quand elle remue à la fin qu’il la crache

Cachés l’un derrière l’autre
je ne vois pas que mes aigles
se cachent pour ne rien dire

de l’amour qu’ils font et plus
qu’il ne faudrait disent les connaisseurs
Je déclare donc l’amour donc

Le tournoiement est une parade
parfois prise aérienne nuptiale à tort
un combat pour spectaculaire

Elle plane et lui plane au-dessus d’elle
En tournant ils montent en tournant
tous les deux l’une dessous lui dessus

Il fond sur elle va la toucher Elle
se retourne les serres
s’agrippent

Le couple empoigné poignant
tombe une pierre tel comme
que juste prise ne lâchant

au-dessus parfois
du sol sinon
de l’eau remuée

Le temps de l’écrire elle se reprend ils
tournent S’ils recommencent pour les voir
il faudrait lever la tête cesser de l’écrire pour les

car je ne vois pas tant que je crache
la purée Elle ne
remue qu’à la fin

Avez-vous prononcé l’e muet
recommençons Elle ne
remue qu’à la fin

C’est à prononcer l’e muet qu’on voit
qu’elle remue L’e muet
la coupe le remue

Elle n’a
remué
qu’à la fin

que juste prise ne lâchant
parfois prise aérienne nuptiale à tort
au-dessus parfois

et tombe comme une pierre
du sol craché sinon
de l’eau remuée

parade pour combat le tournoiement
par les serres est à la fin quand
le spectre s’empoigne à couplaire




10. Epervier

musique Gorgé livret Meens

Venu par le Fond des Boulaires
longé le Camp Bréhout remonté
sur les Carrières et tombé des Terres
Aragées sur la Queue de Louches
une grive
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, la grive

Venu du Moulin de Judeau
croisé le Carroi Guérin glissé
des Croix du Chêne à la vallée du Renard
gagnées les Bruères
un bruant
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, le bruant

Venu de l’Etangsort
frôlée la Coismeulière fusé
bas sur le Court-s’il-Pleut rejointe
la Pacquerie
un gobe-mouche
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, le gobe-mouche

Venu des Berbérides
remonté le Ballacou jusqu’au
Planchon laissé pour la Tace
abandonnée virevolté sur le Peu Cros
une alouette
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, l’alouette

Venu des Caves de l’Ouche
traversées la Pièce Blanche et la Haute Foi
gagnés les Quarts Blancs par les Lambilloux
touchées les Bruères
un étourneau
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, l’étourneau

Venu du Bois du Panama
croisés la Borde les Ruaux la Basse Roche
longé le Tusson descendu un peu remonté
sur la Fosse
un chardonneret
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, le chardonneret

Venu des Cros monté vers le Peu Berge
rejoint le Peu de l’Arbre glissé
de la Vauloube à Germenaude
et revenu sur Fontas
un verdier
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, le verdier

Venu du Fond Mademoiselle passé
le Mont Gasart jeté sur la Hem
remonté jusqu’au Pré Noir et tiré d’aile
au Mont Conseil volte au Grand Riez brusquée
un pinson
l’œil de la proie liée chavire
l’ombre est sur elle et l’obscurcit, le pinson




11. Buse variable (1)

musique Gorgé livret Meens

Dehors, encore un chemin creux ;
La ronce et l’ortie déjà dites ;
Un ciel muet, un ciel heureux ;
L’autre avec moi pour les redites.

On se taisait. Il faisait chaud.
Blés coupés, prairies fatiguées,
L’été enduit son mur de chaux,
Phrases recuites, subjuguées.

A l’ombre des saules têtards
J’ai descendu à l’aveuglette,
L’autre avec moi pour les regards.
Un trio : ni chef, ni baguette.

Demandez-vous qui fait le tiers.
C’en est une sur la clôture
Perchée, postée. On fait les fiers
De l’avoir vue — littérature.

L’air en suspens tremble pour nous,
Retarde le parfum de haine
Que l’on sue nous autres nous,
Et le vacarme des sans-gêne.

Mais puisque le lièvre à brusquer
Fait couiner les chiens les plus chèvres,
Elle à deux pas va débusquer
L’appel coincé au bord des lèvres.

Buse ! ton nom chuchoté,
J’ai vu l’entrée du Purgatoire.
J’allais vomir l’autre empoté
Qui se fiche des christs en gloire.

On allait voir l’instant durer,
Toi et moi, chérie, dans la ronde,
Et l’oiseau de dos préférer
Devant soi la plaine à l’immonde.

Le ciel nous est tombé dessus
Avec une odeur d’incendie.
La fleur d’un seringat cossu
Embaumait l’air à l’étourdie.




12. Faucon d’Eléonore

musique Gorgé livret Meens

Si Eléonore.

— Quelqu’un disait en son temps de Renard qu’il écrirait un jour “la poule pond” et, regardant sa page, s’en trouverait tout content. J’écris “Si Eléonore”, vers impair de mes faucons d’Eléonore. Ils s’en contentent, j’en suis heureux, comprenne qui pourra puisqu’il n’y a rien à comprendre à ce contentement.

— Si ! “Eléonore !”

— Le spécialiste a vu de quoi il retourne. Je vais donc, pour suivre ma louange, écrire quelque chose, quelque chose comme,
Comme Eléonore :

faucon espèce automne filet nourriture hauteur saison migrateur jeune Eléonore passage petit vent réserve passereau divers méditerranéen grégaire extérieur prendre être entreposer nidifier voler nourrir hiverner profiter former qui lequel tard opportunément dans contre pour comme à Madagascar

Où Eléonore
onques ne fut conneue.
Quand Eléonore
fut choisie pour dédicataire, l’inventeur de cette nouvelle espèce de faucon découverte en Sardaigne songeait-il à la médiévale supposée reine des Carales ? songeait-il à Eléonore de Habsbourg, née de Philippe le Beau, Comte de Flandres, et de Jeanne La Folle, Reine de Castille, en 1498, aurore de nos temps modernes ? songeait-il à Eléonore d’Autriche, sœur aînée de César, épouse successivement de Manuel 1er le Fortuné, roi du Portugal, puis de François 1er, reine en conséquence des Français ? songeait-il à la double veuve ?

à automne comme contre dans divers espèce Eléonore entreposer être extérieur faucon filet former grégaire hauteur hiverner jeune lequel Madagascar méditerranéen migrateur nidifier nourrir nourriture opportunément passage passereau petit pour prendre profiter qui réserve saison tard vent voler

Double de même curiosité que cet oiseau seul faucon sociable des îles méditerranéennes réfugié pour l’hiver en la seule île de Madagascar. Les Chypriotes le nommaient-ils faucon d’Eléonore ? les Sardes ? les Malgaches ? Un ornithologue l’a fait, en 1839. En 1839, soit trois siècles après l’édit de Villers-Cotterêts, un ornithologue ne songeait pas plus au Cratyle que ses faucons d’Eléonore. Car Eléonore, cette intrigante — dénomination, la dame en question n’ayant jamais rien prétendu, son auguste cadet se chargeant des transferts de fonds, — nous la voudrions bien motivée pour le succès de notre élégie. L’Histoire comme on le voit n’y peut mais, et l’étymologie guère
Puisqu’Eléonore,
à notre goût vérifié, sort d’Hélène dont on ne voit pas comment, toute ravissante et ravie qu’elle ait été — nous le voyons comme il se doit mais nous jugeons ce rapport très insuffisant, comment notre faucon eût pu sérieusement lui être attribué.

qui vent tard dans pour jeune comme à prendre contre être faucon espèce automne filet voler nourrir former lequel hauteur saison passage petit réserve passereau divers grégaire nourriture migrateur extérieur nidifier hiverner profiter Eléonore entreposer Madagascar opportunément méditerranéen

Mais Eléonore
quoi que je dise, quoi que je fasse, ils n’en démordront pas, il faudra bien que je les nomme ainsi que vous puissiez vous y reconnaître et le revoilà du coup le demandant se redemandant le pourquoi et le comment des choses nommées, me revoilà sur le trajet rebattu, me revoilà pris au piège et curieux de savoir malgré tout et pourquoi et comment mais cette fois décidé à ne pas céder, ah non ! je ne céderai pas, je n’irais pas m’engluer à ces questions enfantines, me débattre au tramail du vocabulaire — c’est une mer à traverser que mon éloge, avec une armée de rapaces alignée contre le vent qui nous attend, chacun à sa hauteur planant, guettant l’arrivée de nos troupes anxieuses, et fusant sur nous tant que nous sommes, emplissant leurs réserves de nos cadavres, leur dîme.

qui méditerranéen profiter contre grégaire voler extérieur à entreposer former lequel tard opportunément pour hiverner comme faucon Madagascar passage nidifier espèce être automne petit filet nourriture prendre hauteur dans saison migrateur jeune nourrir vent réserve passereau divers Eléonore

Or Eléonore,
pas plus que ses faucons, je ne la connais. Je ne sais rien d’elle. Je n’ai rien vu d’elle qu’un portrait au Musée de Condé. Je n’ai rien vu d’eux qu’une photographie. Je ne sais rien d’eux que ce filet tendu que je vous retends ici, mis dans un nouvel ordre, ou dans le plus grand désordre peu leur importe, c’est la maille l’astuce, la maille leur force, la maille leur conduite, leur naturel :

la maille où se prennent tant qu’il en passe les fringilles de retour d’Europe.





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